Jeu, prédation, le chien adrénalisé

Certains jeux sont à proposer avec prudence, voire à éviter complètement avec nos chiens.

Quel rapport entre jeux et prédation ?

La prédation chez le chien est déclenchée par un stimulus :

  • visuel (particulièrement ce qui est en mouvement) ;
  • olfactif (odeurs de gibier) ;
  • auditif (bruits aigus particulièrement).

Elle se décompose en plusieurs actions :

Les séquence du comportement de prédation chez le chien.

Certains jeux que nous proposons à nos chiens sont de la chasse tronquée :

  • Lancer la balle : nous encourageons la fixation («pas bouger»), la poursuite et la saisie. Certains chiens aiment également secouer les jouets qu’ils sont aller chercher, simulant ainsi la mise à mort. Jouer à la balle ou au lancer de bâton encourage le chien à déclencher ses séquences du comportement en présence d’un stimulus en mouvement.
  • Les jeux de tirage simulent la mise à mort. Le chien s’entraîne à bien serrer la mâchoire sur sa proie.
  • Les «pouic» simulent également la mise à mort et sont assez pervers : malgré tous les efforts du chien, la proie ne meurt pas. C’est pourquoi beaucoup de chiens se donnent pour mission d’éventrer les pouic et d’en casser le sifflet. Cela entraîne le chien à prédater sur des bruits aigus.
  • Destruction de peluches : si la plupart des chiens arrivent tout à fait à rester calmes en présence de peluches, pour certains la fourrure et la petite taille rappelle trop des petits animaux qui se chassent. Évitez d’encourager votre chien à tirer ou détruire les peluches, vous risqueriez d’avoir des soucis en présence de petits animaux (y compris petits chiens).

Les phases de la prédation et la production d’hormones

1. Phase apétitive : le moment où le chien prépare sa prédation. Elle commence en présence du stimulus (balle, bruit aigu) et peut durer encore pendant les premiers instants de la fixation. La production de dopamine (hormone de la récompense) et adrénaline (excitation) en prévision de la mise à mort sont déjà élevées.

2. Phase consommatoire : l’action de prédation. Elle commence dès lors que la fixation est installée. À partir de cette phase, il est déjà souvent trop tard pour réagir, la production de dopamine élevée favorisant la concentration extrême du chien sur l’objet du stimulus (vous pouvez quasiment considérer qu’à ce moment-là vous n’existez plus).

3. Phase d’arrêt : après la mise à mort, les niveaux de dopamine redeviennent bas. L’organisme produit de l’ocytocine qui « répare » les dommages causés par la dopamine et l’adrénaline. Cette phase est généralement absente durant les séances de jeu. Les taux de dopamine et adrénaline auront besoin (selon les sources) de 7 à 40 jours pour redescendre à un niveau « normal » après 10 minutes de jeu.

Les effets de l’adrénaline : le cortisol

Si la période de récupération n’est pas possible, du cortisol est produit.

Image montrant que le cumul d’adrénaline sans période de repos suffisante fait monter le cortisol.

Le cortisol détruit les neurones, et empêche la sécrétion de sérotonine (hormone du bonheur).

Il créé un état de stress chronique, avec des conséquences sur la santé du chien. Le stress chronique a aussi des effets sur le comportement :

  • manque d’attention ;
  • hyperactivité ;
  • léchage excessifs et automutilation ;
  • comportements obsessionnels compulsifs (chasse sa queue, des mouches imaginaires…) ;
  • agressivité ;
  • vocalisations…

Les effets de la dopamine : les addictions

La dopamine est une hormone du plaisir immédiat. Elle permet la mémorisation des stimuli agréables. C’est grâce à elle que votre chien se souviendra facilement que jouer à la balle, c’est super excitant ! Elle sera produite en présence du stimulus, donnant ainsi envie à votre chien de reproduire le comportement qu’il avait eu la fois précédente. La dopamine n’est pas «addictive» mais c’est grâce à elle qu’on se souvient que les substances ou les comportements addictifs sont agréables, et qu’on recommence.

Les comportements addictifs ont les caractéristiques suivantes (Goodman 1990) :

  • impossibilité de résister aux impulsions ;
  • sensation de tension précédent le début du comportement, pendant sa phase appétitive :
  • plaisir, ou soulagement ;
  • perte de contrôle ;
  • intensité et durée des épisodes plus importants que souhaités ;
  • temps important à se remettre ;
  • perpétuation du comportement malgré des conséquences négatives (on pense aux gens qui jouent aux machines à sous, mais également aux chiens qui malgré des problèmes d’arthrose ou de dysplasie réclament la séance de jeu dont il n’ont aucun besoin!) ;
  • agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.

Si vous reconnaissez votre chien dans cette liste, la balle est peut-être devenue pour lui une addiction.

Les conséquences de l’excès de jeu

En conséquence, les jeux peuvent avoir les effets suivants :

  • surexcitation ;
  • manque de concentration ;
  • dépendance ;
  • agressivité ;
  • réactivité ;
  • perte d’intérêt pour les interactions sociales ;
  • manque de stimulation mentale ;
  • risques pour l’anatomie (ligaments croisés, arthrose) ;
  • réduction des défenses immunitaires ;
  • destruction des neurones de l’hippocampe (mémoire), réduction des capacités d’apprentissage.

Ne confondez pas excitation et bonheur

Courir ou remuer la queue ne sont pas des signes de joie. Ce ne sont que des signes d’excitation qui ne renseignent en rien sur l’humeur de votre chien.

Un chien peut courir pour de multiples raisons ! Il a peur, il chasse… mais pas «parce qu’il est content». Personne ne court parce qu’il est content, à moins d’avoir de grosses difficultés à gérer ses émotions.

Certains endocrinologues différencient d’ailleurs complètement les plaisirs excitants du bonheur à long terme :

Robert Lustig : la quête du plaisir entrave la quête du bonheur

Mais… comment je dépense mon chien alors ?

On vous a menti ! Un chien n’a pas besoin d’être «dépensé», il a besoin d’être «apaisé». L’emploi du bon vocabulaire va vous aider à imaginer comment faire au mieux. Voici quelques conseils :

  • un chien a besoin d’explorer : sortez-le tous les jours et suffisamment longtemps, dans des endroits stimulants !
  • un chien a besoin de se socialiser, il a besoin d’interactions avec ses congénères mais aussi avec des humains ;
  • favoriser les activités calmes : mastication, olfaction, massages… plutôt que les jeux excitants;
  • d’autres chiens ont des besoins spécifiques, intéressez-vous à lui et apprenez à connaître ce qui lui fait plaisir (ça peut aller de la sieste avec vous à la séance de natation, en passant par inviter des amis à dîner, tout existe !).

Liens externes

La prédation chez le chien :

Le lien entre adrénaline et cortisol :

https://en.wikibooks.org/wiki/Demystifying_Depression/The_Stress_System