Friandises : doit-on les utiliser pour éduquer ?

Publié le 15 avril 202315 avril 2023 par Louise

Éduquer son chien avec des friandises est souvent perçu comme l’unique alternative à des méthodes dites «traditionnelles», utilisant la peur ou la douleur. Mais l’éducation à la friandise, est-ce si bien que cela ?

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Friandises et hormones

Dans cette section, je vais vulgariser les effets des friandises sur l’organisme des chiens.

Les hormones sont des molécules produites à la suite d’une stimulation. Elles servent à transporter des messages dans le corps, et vont notamment agir en excitant ou en inhibant des organes ciblés (1).

Friandises : dopamine, addiction, excitation

Lors d’une séance d’éducation à la friandise, nous allons stimuler dans le cerveau ce qui s’appelle le «circuit de la récompense» (2). Le chien va libérer des pics d’une hormone appelée «dopamine», à chaque fois qu’il sera en contact avec la récompense.

La dopamine est une hormone motivante et excitante.

Elle est liée aux phénomènes d’addiction : elle permet de mémoriser les situations qui donnent du plaisir afin de chercher à les reproduire (2b).

Bonheur ou plaisir ?

Cette fameuse dopamine n’est pas seulement libérée lorsque vous donnez la friandise. La libération commence dès que la friandise est attendue par le chien. Si vous en avez sur vous, la dopamine est libérée quasiment en permanence !

Vous connaissez sûrement des chiens qui, en promenade, reviennent constamment vers leur humain pour quémander. Ils sont accros à tel point qu’ils ne sont plus capables de profiter de leur vie de chien en extérieur. En promenade, un chien devrait renifler et rencontrer des congénères, pas être rivés aux poches.

Mon chien est obsédé par les friandises : il ne profite pas de sa promenade

Un chien trop excité par les friandises

Voici une séance photo que j’ai faite avec iako. Nous voulions qu’il regarde le livre, alors j’ai bêtement mis une croquette entre les pages. Voici le résultat :

Avec la croquette, iako est ingérable. Il se tortille, n’écoute rien. Il est si excité que son pénis est décalotté.

Pour un chien détendu et facile à vivre, je recommande de mettre de côté tout ce qui peut l’exciter plus que de raison.

Friandises et ghréline, le chien qui a toujours faim

Lorsque l’estomac est vide, le chien produit de la ghréline, l’hormone de la faim (3). Lorsque son estomac se remplit, il produit l’hormone de la satiété, la leptine.

La ghréline est également produite lorsque le chien sent de la nourriture (4). Quand vous avez sur vous un sac banane rempli de dés de jambons, la ghréline est produite quasiment en permanence.

Un chien à qui on offre les friandises toute la journée n’a pas beaucoup d’occasions de se sentir vraiment rassasié. Avec une alimentation en libre service, beaucoup de mes élèves constatent que leur chien ne fait qu’un repas par jour, parfois moins !

Des études menées sur les récompenses alimentaires chez les enfants (5) ont démontré des impacts négatifs :

incapacité à réguler sa faim ;
envie de manger pour s’auto-récompenser (on en revient à l’activation du système dopaminergique dont nous avons parlé plus haut).

Il serait temps de transposer ces observations à nos chiens.

Friandises et relation humain/animal

Utiliser des friandises pour éduquer son chien comporte aussi des conséquences sur votre relation.

Affamer pour éduquer

Pour que le chien soit réceptif à la récompense «nourriture», la base, c’est qu’il doit avoir faim.

Les clubs canins, et même certains éducateurs travaillant avec ce que l’on appelle une «méthode positive» vous demanderont de présenter votre chien à jeun pour suivre les cours. Une collègue réputée demande même à ses élèves de réduire de moitié la ration du chien, afin de pouvoir donner le reste sous forme de récompense, tout en évitant l’obésité. Cela part d’un bon sentiment, d’une volonté de maintenir le chien en bonne santé. Mais a-t-il une vie confortable ?

Trouvez-vous cela normal que l’on vous demande d’affamer votre chien ? Ne jouez pas avec les besoins vitaux de votre chien. Vous devez être pour lui la sécurité. S’il passe la journée à se demander s’il aura suffisamment à manger, et pourquoi vous ne lui donnez que par petits morceaux, votre relation risque d’en souffrir. Il pourra aussi souffrir de stress chronique dû à la peur de manquer. Cela peut entraîner des problèmes de santé graves.

Accepteriez-vous de travailler avec un éducateur qui vous demanderait de ne pas donner à boire à votre chien pendant 12 heures ? Qui le récompenserait avec une gorgée d’eau s’il s’assoit ou se couche à la demande ?

L’instauration d’une relation marchande

En donnant des récompenses alimentaires à votre chien, vous instaurez avec lui une relation basée sur un échange marchand : «si tu fais ça, je te donne ça». Cela nuit à l’authenticité de votre relation et vous fait passer au second plan derrière la nourriture.

Est-ce que votre chien fait toujours ce que vous lui demandez sans nourriture ? Si votre chien ne coopère pas, ce n’est pas pour vous embêter. C’est peut-être que la demande ne l’intéresse pas puisqu’il n’a rien à y gagner. Imaginez que votre patron vous demande de vous installer dans un bureau froid plein de courants d’air. Vous n’avez aucune raison de le faire. Sauf s’il y a une augmentation à la clé. Vous pourriez même accepter de vous installer sur une chaise qui fait mal au dos. De très nombreuses personnes acceptent des conditions de travail difficiles, pour avoir une récompense. Pour les beaux yeux du patron ? C’est plus rare.

C’est aussi par la suppression de la friandise que vous pourrez savoir si votre chien aime une activité que vous lui proposez. S’il ne fait pas cette activité sans la friandise, c’est qu’il aime juste manger.

Est-ce que votre chien fait ce que n’importe qui lui demande, du moment qu’il y a de la nourriture ? C’est avec la nourriture qu’il a développé une relation affective, moins avec vous. Ne vous inquiétez pas, un éducateur canin pratiquant l’approche cognitive pourra vous aider à renforcer le lien d’attachement entre vous et votre chien.

Mes chiens ne s’assoient que s’ils ont une bonne raison de le faire. En promenade, il est fort improbable qu’ils se déconcentrent de l’exploration pour s’assoir gratuitement !

Conditionnement ou éducation

Éduquer, c’est donner au chien les outils pour s’adapter à notre monde d’humains.

Conditionner, ou, dresser, c’est le faire obéir sans lui laisser la possibilité de réfléchir.

Pour donner un exemple :

Chien éduqué	Chien dressé
Il ralentit avant les passages piétons et laisse passer les voitures. Dans le cadre de l’apprentissage «traverser la rue», il peut agir comme bon lui semble : il peut rester debout, se coucher, s’assoir… Les chiens errants savent très bien comment traverser.	Il s’assoit avant le passage piéton, mais peut ensuite traverser en courant lorsqu’on le libère du «assis». Il ne sait pas pourquoi il s’assoit.

éduqué ou dressé ? Le passage piéton.

Dresser, c’est sous-estimer l’intelligence de nos chiens et réduire à néant leurs capacités à prendre des décisions et à faire des choix. C’est pour cela qu’avec l’approche cognitive, nous ne proposons pas de dressage ou de conditionnement. Nous respectons les personnalités de tous les chiens et les laissons faire des choix. Ainsi, nous n’avons pas besoin d’utiliser des friandises qui viendraient parasiter les apprentissages.

Comment motiver sans dopamine ?

Une autre hormone impliquée dans la motivation est l’ocytocine. Contrairement à la dopamine qui est excitatrice, l’ocytocine est inhibitrice. Elle détend et apaise.

L’ocytocine est surtout l’hormone de l’attachement, du lien social (6). Elle est secrétée en présence d’êtres aimés, de sourires, de gestes affectueux. Elle peut inhiber les phobies, donner confiance en l’autre et en soi, développer l’empathie et l’envie de faire des choses ensemble.

N’oubliez pas que les chiens sont des animaux qui aiment vivre en société et développer des relations affectives. Les études sur le sujet se multiplient :

Une étude indienne (6b) effectuée sur des chiens errants nés dans la rue a prouvé que ces chiens préfèrent les caresses aux friandises ;
Par le biais de l’imagerie médicale, Gregory Berns (6c) apporte la preuve scientifique que la plupart des chiens préfèrent la présence de leur humain à la récompense alimentaire ;
Au Japon, les mesures de Takefumi Kuksui (6d) montrent que les chiens produisent de l’ocytocine lors des interactions (notamment le regard) avec leurs humains.

Un éducateur canin peut vous aider à améliorer la qualité du lien d’attachement avec votre chien, pour rendre votre relation unique.

Le docteur Bedossa vous explique pourquoi et comment renforcer le lien d’attachement avec votre animal (7)